Publié le 18 mai 2025
Nous aimons croire que nos choix sont rationnels, conscients, et sous notre contrôle. Reconnaître le contraire peut heurter notre ego car cela revient à renoncer à une part de pouvoir. Pourtant, parfois, accepter cette vérité peut nous rendre plus lucides, donc plus forts.
Les recherches en psychologie cognitive et en neurosciences sont claires : la plupart de nos décisions sont guidées par des mécanismes automatiques, inconscients.
Explorons ensemble ce qui se joue dans l’ombre de nos choix.
L’inconscient : Le Véritable Pilote De Nos Vies
10 secondes. C’est le délai que les scientifiques ont identifié entre le moment où une décision est traitée par notre cortex préfrontal et celui où notre conscience en prend connaissance.(1) En d’autres termes : nos décisions ne seraient pas aussi libres qu’on le croit. Elles seraient même préparées en coulisses, bien avant que nous en ayons conscience.
Une revue scientifique majeure menée par les psychologues John A. Bargh et Tanya L. Chartrand a synthétisé plus de 300 études sur le comportement humain.(2) Elle montre que la majorité de nos jugements, préférences et comportements sont influencés par des processus automatiques, c’est-à-dire déclenchés sans intention consciente, souvent en réponse à des stimuli contextuels ou à des habitudes profondément enracinées.
Ces résultats remettent en question l’idée selon laquelle nous serions pleinement maîtres de nos décisions : une grande partie de nos actions se produisent de manière inconsciente, bien en amont de toute délibération rationnelle.
Par exemple, nous pouvons former une impression négative d’une personne simplement à cause de l’expression de son visage ou de la posture de son corps, sans en avoir conscience. Nous pouvons également préférer une marque plutôt qu'une autre simplement parce que nous y avons été exposés plus souvent (effet de simple exposition), ou encore imiter inconsciemment les gestes d’un interlocuteur pour faciliter la connexion sociale, sans le vouloir ni le remarquer.
L’Effet du Corps sur l’Esprit
Vous avez sûrement déjà entendu certains coachs insister sur l’importance de la posture pour gagner en charisme. Mais si le pouvoir du corps sur l’esprit était bien plus grand qu’on ne l’imagine ?
Deux expériences marquantes, menées en 2008(3) et 2010(4), tendent à le prouver.
La première portait sur deux groupes de participants : l’un tenait une tasse chaude, l’autre une tasse froide. Résultat ? Ceux qui tenaient la tasse chaude percevaient spontanément leur interlocuteur comme plus chaleureux et digne de confiance. Le cerveau associe la chaleur physique à la chaleur humaine. Ce n’est donc pas un hasard si vous vous sentez plus rayonnant en été qu’en hiver… ou si certains vous offrent un café ou un thé dès votre première visite chez eux.
La seconde expérience s’est penchée sur l’impact de la posture sur la confiance en soi. Les participants ont adopté pendant deux minutes une posture de « power posing » (bras écartés, dos droit). Les résultats sont sans appel : hausse de la testostérone (hormone de dominance) et baisse du cortisol (hormone du stress). En clair : améliorer sa posture pourrait réellement renforcer la confiance en soi et booster les performances.
Le corps influence l’esprit bien plus qu’on le croit.
Les Biais Cognitifs : Nos Faux Amis
Les biais de confirmation ont été défini en 1998 par Raymond Nickerson comme une tendance à rechercher ou à interpréter des preuves de manière à favoriser des croyances, des attentes ou une hypothèse préexistante. Par exemple, si vous croyez que « l’immigration augmente la criminalité », vous remarquerez davantage les faits-divers impliquant des étrangers et ignorerez les statistiques contraires. La solution est d’activement chercher des contre-preuves et d’éviter les points de vue dogmatiques.
L’effet de halo est un biais cognitif qui nous pousse à attribuer automatiquement des qualités positives à une personne sur la base d’un seul trait : souvent l’apparence physique.(5) Pendant longtemps, ce phénomène a été considéré comme systématiquement favorable aux individus attirants. Mais une étude plus récente menée par Agthe, Spörrle et Maner en 2011 nuance cette idée(6) : les chercheurs ont observé que les personnes très attirantes sont favorisées lorsqu’elles sont évaluées par quelqu’un du sexe opposé, mais peuvent au contraire être défavorisées lorsqu’elles sont évaluées par des personnes du même sexe, en particulier si celles-ci perçoivent une forme de rivalité ou de menace sociale. Par exemple, une femme très attirante peut être jugée moins compétente par une autre femme dans un contexte de recrutement, même si son dossier est solide. Cette étude souligne combien nos jugements sont influencés par des facteurs inconscients, souvent injustes et irrationnels.
Tout comme le biais de confirmation, qui nous pousse à ne rechercher que les informations qui confortent nos croyances, l’effet de halo fait partie des nombreux biais cognitifs qui façonnent notre perception sans que nous en ayons conscience. Ils sont nos faux amis : ils nous donnent l’impression d’être justes, cohérents ou lucides, alors qu’ils déforment notre raisonnement et peuvent conduire à des erreurs de jugement, des discriminations ou des décisions injustes. Pour penser plus librement, plus lucidement, et plus équitablement, il est essentiel d’identifier ces biais et de les combattre activement. C’est un travail quotidien de remise en question, mais aussi une clé fondamentale pour accéder à une pensée réellement critique et consciente.
Le Mot De La Fin
Comprendre ces mécanismes ne revient pas à renoncer à notre libre arbitre, mais à en renforcer l’exercice. En prenant conscience de nos biais, nous ne devenons pas moins libres, mais au contraire mieux équipés pour penser et agir avec lucidité. Comme le rappelle le psychologue Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie : « Nous sommes aveugles à notre propre aveuglement. Nous avons très peu conscience de tout ce que nous ignorons ». Autrement dit, ce n’est qu’en éclairant l’invisible que nous pouvons vraiment choisir et prendre le contrôle de nos vies.
Par Subconsia